Madonna: Une Rétrospective (Deuxième partie: les 90's)
1991 : Madonna est au pic de sa carrière cinématographique: elle interprète une équilibriste dans Ombres et Brouillard de Woody Allen, qui, malin, prend soin de ne pas lui laisser le temps de se ridiculiser, en limitant son apparition à quelques minutes. Pas vraiment un des films les plus réussis du maître, mais à côté du reste de la filmographie de la chanteuse, un chef-d'oeuvre.
1992 : Madonna fonde sa propre compagnie de production, Maverick. Pour fêter ça, elle publie son premier livre, Sex, un collage de textes érotiques plutôt bon enfant et de photos porno-chic signées Steven Meisel sur lesquelles elle pose foufoune à l'air en compagnie de semi-célébrités qui ont l'air de s'ennuyer. Le scandale, forcément, est à la mesure du succès fulgurant en librairie. (Sex etant aujourd'hui épuisé, certains pensent que Madonna en a stoppé la parution à cause de la très mauvaise presse qu'il lui a valu. Moi j'aurais tendance à penser que c'est à cause des photos sur lesquelles elle se fait tripoter par Vanilla Ice, qui doivent encore l'empêcher de dormir la nuit.)
Dans la foulée sort Erotica, son cinquième album, dont le thème central, est, je vous le donne en mille : le SEXE. Re-scandale, re-forcément. Les critiques fusent de toutes parts : salope, nymphomane, racoleuse, calculatrice ; on la déclare finie. C'est souvent à la violence des critiques qu'on juge l'importance d'une œuvre, et cette période est, en ce sens, probablement la plus intéressante de la carrière de Madonna. D'abord parce que jamais une popstar mainstream de son ampleur n'avait été aussi loin dans la provocation et dans la représentation franche, voir froide, en effet, du sexe. Ensuite parce que, contrairement à la plupart, je pense que Madonna a rarement été aussi honnête dans sa démarche artistique. Et enfin parce que le déchaînement d'agressivité suscité par le doublé Sex/Erotica montre clairement qu'elle a mis de doigt sur quelque chose : à savoir qu'une femme en pleine possession de sa sexualité et qui l'affiche sans gêne est encore considérée par la vaste majorité comme une pute ou une harpie calculatrice (ou les deux). Musicalement, Erotica, même trop long et trop répétitif par endroits, reste un objet expérimental passionnant et unique, dont chaque écoute semble révéler une nouvelle facette, à l'image de sa chanson titre, une ôde au SM aussi inclassifiable qu'hypnotique.
1993 : Madonna s'humilie dans un thriller érotico-grotesque post-Basic Instinct, Body of Evidence, dans lequel elle n'a jamais été aussi laide et peu sexy, et qui ne fait rien pour arranger sa cause. Nouveau Razzie award. Les critiques l'entèrent encore un peu plus. Dans le même temps sort en catimini Dangerous Game, le seul film dans lequel elle fut jamais convaincante, probablement martyrisée hors de ses minauderies par ce grand malade d'Abel Ferrara.
1994: Après la volée de bois vert d'Erotica/Sex, Madonna, souhaitant retrouver les faveurs du public, revient avec un album plus mainstream et plus sage, Bedtime Stories. Pour la première fois, elle fait appel à plusieurs producteurs, tous bien établis, pour l'aider à préparer son retour en grâce. Le résultat est sans faute de gout, à défaut d'être véritablement excitant. Son plus gros succès fut Take a Bow, une ballade dans laquelle le sirupeux Babyface -spécialiste de soupes arôme Whitney ou Toni Braxton- mit apparemment tout le glucose qu'il avait sous la main (c'est à dire beaucoup). Beaucoup plus réussis, le très langoureux Secret, co-écrit avec Dallas Austin, le divinement revanchard Human Nature, produit par Dave 'Jam' Hall, et le surnaturel Bedtime Story, fignolé par le génial Nellee Hooper et écrit par nulle autre que Björk elle-même. Preuve que la dame n'avait rien perdu de son pif.
1995: Toujours soucieuse d'adoucir son image, Madonna sort un compilation de ses meilleures ballades, Something to Remember. Ce qui a à peu près autant de sens que si les Rolling Stones sortaient un best-of de leurs meilleurs titres disco.
1996: Madonna obtient enfin le grand rôle de cinéma qu'elle a toujours attendu: Eva Perón. Malheureusement, Evita est réalisé par le pas toujours très léger Alan Parker, écrit par le souvent peu subtil Oliver Stone, et basé sur la comédie musicale pas franchement aérienne du pachydermique Andrew Lloyd Weber. Le film étant entièrement chanté, son interprétation fait vaguement illusion auprès de la critique. Les starfuckers des Golden Globes en profitent pour lui remettre le Golden Globe de la meilleure actrice, devant Frances McDormand dans Fargo. Mais Dieu, se décidant enfin à prouver son existence, se manifeste, et Madonna ne recevra pas la nomination à l'Oscar qu'elle attendait si avidement.
Pour se consoler, elle met bas.
1997 : Madonna se consacre à son enfant, Lourdes. Puis elle devient kabbaliste.
1998 : Après quinze ans de carrière, Madonna réussit un exploit inattendu : elle sort son meilleur album. Produit en majeure partie par le quasi-inconnu William Orbit, Ray of Light est une merveille aux sonorités mêlant pop, rock et electro, naviguant entre le psychédélique et le mystique en parfaite harmonie. Pour la première fois, la critique et le public se prosternent de concert. Jamais la Reine de la Pop n'a été aussi aventureuse, audacieuse, intimiste, émouvante.
1999 : Elle en remet une couche en enregistrant pour le film Austin Powers : The Spy Who Shagged Me un morceau totalement psyché et jouissif, Beautiful Stranger. Et tient une fois de plus le monde dans le creux de sa main.
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